Cette fiction retrace la vie de Kuroigetsu, mon personnage, dans son existence de "base". Il en a en effet plusieurs en parallèle, comme celle de MineB.U. par exemple.

Les chapitres seront publiés de manière irrégulière, car je les écris quand je n'ai pas grand chose d'autre à faire; ce qui arrive trop peu souvent.

Sur ce, bonne lecture !

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- Nous sommes réunis ici ce soir, mes Frères de Sang, pour célébrer l’ascension d’un nouveau membre au sein de notre Confrérie. Commença le Grand Maître Oshoku. A ses côtés se tenaient Hakai et Kyokkai, Maîtres de leur état et craint à la fois par leurs ennemis, mais également par leurs alliés. Directement à leurs côtés d’autres Frères étaient disposés selon leur rang, tandis que le reste de la Confrérie était assisse sur des bancs, qui occupaient presque tout l’espace tout en laissant la rangée centrale et une petite zone au-devant du piédestal du Grand Maître libres. La salle ressemblait beaucoup à une chapelle, à la seule différence que le dieu qui y était prié ici était la Mort, et que les croyants en étaient les messagers. Agenouillé au-devant du Grand Maître et des plus éminents représentants de la Confrérie, une silhouette gardait la tête inclinée vers le bas en signe de respect et d’humilité.
- En ce jour, toi, misérable mortel, tu te vois accordé le privilège de donner ta vie pour la Mort. Tu t’élèves au-delà de toutes nos recrues de par tes compétences. Es-tu prêt à tout donner pour notre cause ? Es-tu prêt à tuer sans ressentir ces choses pathétiques et handicapantes que sont les émotions ? Es-tu prêt à accepter que la vérité n’existe pas et que le mensonge est en fait ce qui se rapproche le plus de la vérité ? Es-tu prêt, enfin, à devenir un Hitogoroshi ?
Le concerné se releva lentement. Il portait une tenue d’apprenti Hitogoroshi, dépourvue de tout fourreau pour une éventuelle arme, et composée d’un pantalon souple, de bottes rigides conçues pour pouvoir y cacher des couteaux de lancer, d’un gilet aux boutons gris métalliques qui dévoilait sa gorge et descendait en V, de protections d’arrière-bras rigides renforcés par une structure métallique, et des brassards avec de fines lamelles de métal décoratives appliquées dessus. Tous ces éléments étaient en cuir noir, et complétés par une capuche souple mais néanmoins renforcée par une structure métallique. Elle permettait à son porteur de voir sans être vu. Cette dernière était baissée lors de la cérémonie d’acceptation au sein des Hitogoroshi.
Levant les yeux vers le Grand Maître pour la première fois, l’apprenti répondit distinctement, comme on le lui avait appris :
- Puisse la noirceur des Hitogoroshi me montrer le chemin.
- Dans ce cas, ton souhait sera exaucé. Bienvenue parmi nous… Frère Kuroigetsu Tokumei.
Kuroigetsu sentit son nom résonner dans toute la salle avec un mélange de plaisir et de peur. Il était désormais ce qu’il avait toujours voulu être – ce qu’on avait toujours souhaité qu’il soit. Un Hitogoroshi, un tueur expert dont la seule évocation inspire l’effroi, un humain considéré comme un être presque encore plus abject que les monstres qui hantaient le pays, un véritable messager de la Mort qui n’avait pas de cibles – car une cible peut être manquée -, seulement des victimes en attente.

Pourtant, il était un Hitogoroshi « blanc », n’ayant encore tué personne. Ce statut ne durait jamais très longtemps, car les demandes d’assassinat étaient extrêmement fréquentes en ces temps-là. Les Hitogoroshi proposaient toujours leurs services pour un prix exorbitant, qu’ils ne fixaient qu’une fois le statut social du client identifié et le temps que la mission nécessitera appris. Il y avait dans le fond deux victimes : la victime en attente, et le porte-monnaie du client. Bien sûr, l’organisation de la Confrérie n’était en général pas un secret pour les gens à peu près informés, qui savaient très bien qu’un Novice n’avait pas les mêmes compétences qu’un Maître ou qu’un Guerrier. Dans tous les cas, le Frère devait reverser un certain pourcentage de ses gains à la Confrérie, en fonction là aussi de son rang.
Kuroigetsu ne souhaitait pas commencer sa carrière avec une victime facile, et en empochant à peine quelques pépites d’or. Il se tenait beaucoup au courant de ce qui se passait à l’extérieur de la Forteresse via ses Frères – vu que les Apprentis n’ont pas le droit de la quitter avant d’avoir atteint le rang de Novice -, qui discutaient souvent des contrats qu’ils comptaient exécuter un jour ou l’autre. Et il en avait trouvé un qui l’intéressait particulièrement. Il était désormais devant la porte du bureau de Maître Kyokkai, qui avait pour tâche de guider les Novices dans leurs contrats au moins jusqu’à ce qu’ils atteignent le rang de Combattant. Dès qu’ils atteignaient ce grade, les Hitogoroshi choisissaient et exécutaient leurs contrats de leur propre chef, en le signalant à peine en apposant leur sceau sur le Tableau de la Mort. En général, il fallait que le Novice fasse une dizaine de contrats sous-payés et parfois grotesques pour être en mesure de monter en grade. Mais Kuroigetsu pensait – et même savait ! – que le contrat qu’il avait choisi serait celui qui le distinguerait des autres recrues. Il prit son courage à deux mains, inspira un grand coup, puis frappa trois coups rapides à la porte du Maître.
- Entrez.
Le jeune Novice s’exécuta, et pénétra dans un bureau d’apparence luxueuse, tapissé de peaux de bêtes et de magnifiques ouvrages de tisserands étrangers. Aucun centimètre carré n’était pas recouvert. Kuroigetsu se demanda même s’il n’y avait pas plusieurs couches de tapis, tant il ne sentait qu’eux sous ses bottes. Les murs en pierre étaient quant à eux visibles, même si le nombre impressionnant de notes et de feuilles accrochées à de larges panneaux occupait une grande partie de ces derniers.
- Aaaaah. C’est le jeune Kuroigetsu ! Approche, je te prie, approche.
Là encore, le Novice s’exécuta, fixant la lame secrète du Maître, qui reposait sur un socle richement décoré et exposée sur son bureau.
- Tu n’as pas perdu de temps. Il ne s’est passé que quelques heures depuis que tu es devenu Novice, et te voilà déjà dans mon bureau !
- Oui, Maître. Je tiens à honorer mon rôle, et le plus tôt sera le mieux, dit Kuroigetsu en s’inclinant légèrement.
- Bien, bien… Mais ne va pas trop vite en besogne, Novice, répondit quelque peu froidement Kyokkai. Brûler les étapes finira par te brûler les ailes… ajouta-t’il d’un air carnassier.
- Je comprends, Maître. J’ai cependant déjà repéré un contrat potentiel que je me ferais une joie d’accomplir.
- Je vois… Et quel est le contrat que tu as choisi ?
- Il s’agit de l’élimination d’un homme qui serait un ami des créatures en provenance de la Fin des Temps. Il…
- Des Endermen en somme, le coupa Kyokkai.
- Oui… des Endermen. Le contrat peut sembler ridicule et peu fiable, mais le demandeur est prêt à payer trente lingots d’or et est prêt à augmenter le prix si nous en faisons la demande, ajouta Kuroigetsu.
- J’aurais une simple question pour toi, Novice.
- Oui, Maître ?
- Que penses-tu du mort en attente ?
- Eh bien, il semblerait qu’il soit en contact avec ces créatures par un moyen inconnu, et qu’il…
Il ne vit même pas Kyokkai bouger. En une seconde, Kuroigetsu s’était pris une gifle qui l’avait envoyé au tapis… à tous les sens du terme. Heureusement que ce tapis est mou.
- Tu n’as donc pas compris, malgré ton entraînement à la maîtrise du langage ? Réfléchis-y un petit peu, Novice… Un homme est prêt à en faire tuer un autre – déjà, c’est qu’il y a eu quelque chose de louche entre ces deux-là. Le client est prêt à augmenter la somme pour acheter notre silence et pour que nous prouvions – en maquillant la scène du crime – qu’il a été tué pour la bonne cause, car il pactisait avec des choses hostiles. Je te laisse faire la suite du raisonnement…
- Le client veut éliminer la cible suite à un différent mais sait que d’autres personnes le soupçonnerait alors, termina Kuroigetsu, qui s’était entre temps relevé. Je suis désolé pour cette erreur de compréhension venant de moi, Maître.
- Tu peux l’être… tu seras accompagné par un de tes Frères lorsque tu devras récupérer l’argent, pour m’assurer que tu ne te fasses pas avoir. Quant au mode opératoire, je te laisse carte blanche… si tu dois mourir en cours de mission, alors tu n’étais pas digne de rejoindre les Hitogoroshi et ta perte ne nous affligera pas. Suis-je bien clair ?
- Limpide, Maître.
- Alors qu’il en soit ainsi. Je veux avoir les résultats avant la fin de la semaine.
- Maître, je ferais ce qui est en mon pouvoir pour en avoir terminé demain.
- Cette arrogance de la jeunesse… j’espère bien que tu la perdras, Novice. Ou elle te perdra.
Kuroigetsu se renfrogna, mais s’inclina tout de même. Il sortit de la salle, silencieux comme un Creeper.

L’homme se retourna subitement, persuadé d’être suivi. La seule chose qu’il vit fut la rue, bondée de monde en journée, mais vide à cette heure-là de la soirée. Mal à l’aise au début, il reprit ensuite sa route en riant intérieurement de sa réaction. Qui voudrait le suivre ? Il n’avait rien d’intéressant, aucun objet de valeur sur lui, aucun statut social particulier… c’est ce qui poussait Kuroigetsu à se demander si cet homme méritait vraiment de mourir. Ce dernier le suivait bel et bien depuis les toits en utilisant les méthodes de déplacements furtifs qu’on lui avait enseignés pendant dix-sept ans, mais malgré son respect rigoureux de ces dernières, un lampion mal placé avait déplacé son ombre dans le champ de vision de la cible, ce qui l’avait rendu suspicieux. Heureusement, l’homme se dirigeait à présent vers son logis, persuadé qu’il ne craignait rien. Le Novice continua sa filature silencieuse, jusqu’à ce que l’homme arrive sur une place publique ouverte, et sans toits pour continuer. Tout en restant silencieux et en gardant un œil sur les mouvements de l’homme, Kuroigetsu descendit de son toit et se déplaça sur la place en faisant bien attention à toujours être à proximité d’un groupe de personnes. L’heure n’arrangeait pas ses affaires, puisque très peu de monde était alors présent. La traversée de la place se fit sans incident, rapprochant de plus en plus la cible de son logis – et de sa mort. C’est à ce moment-là que l’Hitogoroshi commit une erreur fatale : il se relâcha et marcha un peu trop vite sur du gravier. L’instant d’après, ses yeux avaient croisés ceux de l’homme, qui regardait son Ninjato et sa tenue en tremblant. Merde. Si les instructeurs m’avaient vu faire, je serais sûrement déjà mort.
- Qui… qui êtes-vous ? Pourquoi me suivez-vous !
- …
- Non… il ne vous a pas engagé pour me tuer… non !
- J’ai été payé pour vous plonger dans les ténèbres, pas pour taper la causette, lança Kuroigetsu d’un ton nonchalant et cassant. Le ton des perdants qui essayent de s’en sortir avec honneur.
A la surprise du Novice, l’homme ne rameuta pas la garde. En fait, il ne cria même pas ; il se contenta de prendre la fuite en direction de son logis à une telle vitesse qu’il en respirait comme un buffle. Il me facilite la tâche. Ils sont aussi idiots que cela ? A quoi sert ma formation si c’est aussi facile ? L’Hitogoroshi préféra couper par les toits, et au terme d’une poursuite de quelques secondes, il se retrouva perché sur le toit du logis de sa victime, caché par l’ombre d’un grand arbre. Quelques secondes plus tard, l’homme arriva à son tour, essoufflé ; il se retourna alors pour voir si l’homme qui menaçait sa vie était toujours derrière lui, et parut satisfait de ne voir personne. Il s’essuya le front, puis commença à marcher d’un pas incertain vers son logis. Quelque chose n’allait pas. Y’avait-il toujours eu une gargouille sur son toit ? Il n’eut pas le temps de pousser la réflexion trop loin : Kuroigetsu fondit sur lui comme un aigle fond sur sa proie. Une fois l’homme à terre, il déploya sa lame secrète et la planta dans la gorge de la victime, puis il la retira pour laisser le sang se répandre sur les pavés. Kuroigetsu se releva, s’assurant de ne pas avoir été tâché de vermeil, puis il relâcha sa concentration. Chez un humain normal, cela signifierait cesser de faire attention au monde alentour, mais pour le jeune Hitogoroshi, cela avait une toute autre signification. Ses yeux se teintèrent d’un violet que n’importe qui dans l’Empire détestait plus que tout au monde : le violet des yeux des Endermen.
- Sais-tu quoi que ce soit au sujet des Endermen ? demanda-t’il d’un ton violent.
- N… Non… pitié… appelez… secou…
- Tu n’as jamais rien fait de mal dans ta vie ?
- Pi…tié…
- Alors ta mort aura été vaine. Gomeifuku wo inorimasu (repose en paix) quand même.
Kuroigetsu invoqua quelques particules violettes qu’il fit s’écraser tout autour du mourant, avant de déposer une Perle de l’End au sol. Cela permettrait de faire croire qu’il avait été tué par un Enderman. Pour compléter le tout, il sortit une griffe métallique de sa besace pour imiter des coups portés par les créatures. Quand Kuroigetsu eut fini de mettre en place la sinistre mise en scène, l’homme avait expiré. Il se sentait coupable d’avoir tué un innocent, qui n’avait rien à se reprocher que ce soit en termes de crimes humains ou de liaisons avec les monstres.
- Oh, tu vas pleurer peut-être ?
- La ferme.
- Eh eh eh… quel dommage qu’il ne sache rien sur mon espèce, il aurait pu te donner tellement de renseignements… continua la voix en faisant traîner le « tellement ».
Kuroigetsu ne répondit pas à la provocation de l’Enderman qui parasitait son esprit. C’était inutile.

L’Hitogoroshi observait celui qui avait ordonné le meurtre de sa victime depuis une bonne dizaine de minutes, dans l’ombre. Ce dernier semblait mal à l’aise, et n’était visiblement pas le genre à poser ce genre de requête souvent. Dégoûté parce qu’il venait de faire, l’Hitogoroshi apparut brusquement devant l’homme, ravi de voir que ce dernier poussa un cri de stupeur. Mes maîtres me tueraient pour ça.
- Vous… le contrat…
- Rempli. Nous avions donc dit quarante lingots d’or.
- Dans mes souvenirs, c’était trente…
- Vous me prenez pour un tueur sans foi ni loi, n’est-ce-pas ? Eh bien, raté. J’ai horreur de tuer des innocents, tout cela à cause d’une querelle ridicule qui a été mal prise par le type de personne suffisante comme vous.
- Vous… vous ne savez rien de mes raisons ! En plus, j’ai fait appel à vous pour ne pas avoir à me justi…
L’homme ne continua pas sa phrase, il préféra fixer son attention sur le ninjato qui menaçait de trancher sa gorge.
- Quarante lingots, et la querelle est enterrée. Un refus, et vous rejoignez l’homme que j’ai dû tuer pour vous.
- Il suffit, Novice ! s’exclama l’Hitogoroshi chargé de surveiller la transaction. Un Hitogoroshi ne s’attaque jamais au client et n’expose pas son point de vue ! Tu as enfreint deux des lois les plus importantes de notre Ordre, et pour cela…
Même un Hitogoroshi ne pouvait esquiver un couteau de lancer s’il était pris par surprise. Le Frère de Sang s’écroula, touché à l’œil. Le client poussa un bref cri de surprise, qui fut interrompu par le fer du ninjato de Kuroigetsu. Laissant le cadavre s’écrouler à ses pieds, le jeune Novice arracha la bourse d’un air dégoûté, puis il prit l’arme de son Frère mort pour la tâcher du sang du client. Si on me demande, j’ai dû le tuer car il menaçait le client et qu’il enfreignait les règles.
- Et dire que tu oses te morfondre quand quelqu’un est victime d’une injustice…
- La ferme. Tout ce qui se met en travers de mon chemin mourra, et je ne ferais aucune distinction.
- Eh eh eh… j’ai hâte de voir arriver le jour où tu devras t’affronter toi-même.

Kuroigetsu ne répondit pas. C’était inutile.

Le stratagème de Kuroigetsu fonctionna à merveille. Personne ne doutait que le Frère qui devait le surveiller ait pu tenter une telle manœuvre, vu qu’il n’avait pas bonne réputation. En fait, ça a arrangé tout le monde. Un an s’est écoulé, et toujours aucun soupçon sur moi… C’est aussi simple que ça de mentir ?
L’Hitogoroshi arpentait les couloirs de la Forteresse, sans raison particulière. Poser son regard sur les œuvres d’art qui servaient de briques était un de ses moyens de se détendre. La Forteresse en elle-même datait de bien avant les Hitogoroshi, et servait autrefois de manoir pour un clan très riche ; l’Histoire ne dit pas ce qu’il advint d’eux, mais le fait qu’ils aient tous disparus le même soir avec leur fortune en laissant leur demeure grande ouverte était une explication suffisante pour Kuroigetsu. Encore des victimes de la Guerre Civile. Il n’était pas encore né qu’elle faisait déjà rage : familles contre familles, c’était à celui qui avait le plus d’argent et le moins de scrupules. En soi, ce n’était pas tellement une révolution du peuple contre son système politique, mais plutôt un coup d’état à peine dissimulé. La politique avait toujours amusé Kuroigetsu : dans le fond, le peuple n’était qu’un pion, que ce soit du côté des dominants comme de celui des « révolutionnaires ». Mais bon, toutes ces histoires nous font du boulot… On ne va pas se plaindre. Les demandes d’assassinats comme celle que le jeune Hitogoroshi avait remplie était la source principale de revenus pour la Confrérie tant elles étaient légions. Le motif était souvent dérisoire pour une simple raison : la cible était gênante au niveau politique. Ils doivent se dire qu’on n’est pas capable de comprendre la politique, et qu’il faut nous donner des motifs de sauvage. Bah. Je hais ces gens, je leur laisse le droit de me haïr aussi…
- Surtout quand tu leur plantes un couteau dans l’œil.

Kuroigetsu ne releva pas la pique ; il faut dire qu’il avait déjà vécu plus de 18 ans avec son Enderman et qu’il était désormais habitué à ce que ce dernier « écoute » ses pensées. Il se contenta de pousser un bref soupir, puis il se remit en marche. En observant les colonnes et les détails de la pierre, il se rappela de son entraînement à escalader des bâtiments, alors qu’il n’était qu’un Apprenti. L’ultime étape de cet entraînement consistait à escalader la Forteresse, sans équipement pour s’assurer ou faire marchepied. Ses doigts étaient engourdis et son dos le faisait souffrir une fois l’épreuve passée, mais l’instructeur était particulièrement surpris de la vitesse à laquelle il avait avalé les distances. Cependant, il lui recommanda de faire attention à son dos à l’avenir, conseil que Kuroigetsu appliqua seulement lors de sa première année en tant que Novice, tout au plus. Sa condition physique ne l’avait plus fait souffrir depuis, et il n’hésitait pas à s’attaquer à des bâtiments abrupts là où certains de ses Frères préféraient contourner par les rues.

- Hey, Kuroi !
- Hm ?
L’un de ses frères Hitogoroshi venait de le héler depuis un escalier. Ce dernier alla à sa rencontre – non pas car il le connaissait, mais surtout parce que ce dernier lui était supérieur en grade.

- J’ai été chargé de mettre tout le monde au courant que le Grand Maître a quelque chose à nous montrer, dans deux heures. Rendez-vous dans la chapelle.
- Entendu.

Il ne demanda pas plus de détails ; il savait qu’il n’en obtiendrait pas. Il alla donc tuer le temps dans ses quartiers, pour réfléchir à ses prochains contrats. Après avoir traversé quelques couloirs et déverrouillé sa porte, Kuroigetsu se laissa tomber sur sa chaise et fit le vide dans son esprit. C’était ce genre de moment que l’Enderman qui habitait en lui chérissait le plus : il pouvait en profiter pour parasiter ces moments, à son plus grand plaisir.

- Ca fait un moment que tu n’as plus pensé à ton village.

Chaque fois que ce sujet était abordé, Kuroigetsu sentait son cœur s’arrêter de battre, comme si un poids immense s’abattait sur lui. Il entendit un éclair tonner au loin, mais il ne savait pas s’il était imaginaire ou réel. En l’espace d’un instant, l’Hitogoroshi était replongé dans son passé. Des cris. La pluie. Des corps. Du rouge. Partout, du rouge. Âgé de sept ans à l’époque, il ne savait pas que ce rouge était du sang. Kuroigetsu était alors trop jeune pour comprendre pleinement que son village venait d’être anéanti, et ses habitants avec. Il ne restait plus que lui… et un être étrange. Un être qui mesurait trois mètres de haut, noir comme la nuit.

- Moi.

Kuroigetsu frappa le mur en face de lui, se blessant au passage. Des larmes perlèrent sur ses joues.

- Tu comptes vraiment me détruire mentalement… me pourrir la vie, crevure ?! Ma famille ne t’a pas suffi ?!
- Eh, mon but était de te tuer toi…

Cette nuit-là… une nuit où la lune était rouge sang. Tout le monde connaissait cette histoire ; celle d’un village composé exclusivement de chasseurs d’Endermen, anéanti en une seule soirée. Seul un survivant s’en était sorti… La légende urbaine raconte qu’un seul Enderman aurait fait cela, et aurait par la suite mystérieusement disparu. Il était si puissant que même les plus grands chasseurs du village ne purent rien contre lui : en effet, ces derniers combattaient les Endermen en les absorbant, puis en les détruisant au cours d’un combat mental. Mais personne ne put rien faire face à cet Enderman là…
- Personne, sauf toi. Tu devrais être fier !

Ce que l’histoire ne disait pas, c’était que Kuroigetsu avait réussi à absorber cet Enderman si puissant inconsciemment. Ce dernier avait alors profité de la faiblesse de son hôte pour s’installer dans des points très sensibles de son esprit, menaçant le jeune garçon de le tuer si jamais ce dernier tentait quoi que ce soit contre lui. Désemparé, Kuroigetsu ne put rien faire d’autre que fuir le chaos, en pleurant tellement qu’il ne savait plus s’il était mouillé à cause de ses larmes ou à cause de la tempête qui faisait alors rage. Il avait suivi la route jusqu’à la ville la plus proche, et avait mendié pour survivre, dormant dans la rue et survivant comme il le pouvait. Son enfance était brisée, son esprit colonisé, et il n’avait aucune chance de s’en sortir. C’est alors qu’une ombre l’avait sauvé, un soir où un garde voulait le punir d’avoir volé de la nourriture. En général, ces derniers n’étaient pas tendres avec les voleurs, et ne faisaient aucune distinction entre les adultes et les enfants. S’il avait eu le temps de battre le jeune garçon, ce dernier en serait sûrement mort ; mais c’était sans compter sur un homme vêtu d’une tenue noire marbrée et cachant son visage sous une capuche. Ce dernier sortit une arme de son dos et l’enfonça dans le cœur du garde, projetant tout le sang sur le jeune Kuroigetsu. Lorsque la victime s’écroula, Kuroigetsu n’osa pas regarder dans les yeux son sauveur, craignant que ce dernier ne s’en prenne à lui. Au bout de quelques secondes, il se risqua à jeter un coup d’œil, mais l’obscurité ne lui permit pas de savoir ce qui se cachait sous cette sombre capuche. L’homme ne parla pas : il se contentait de regarder les yeux rouges foncé du jeune garçon, comme s’il pouvait voir son esprit par leur intermédiaire. A l’origine, ses yeux étaient d’un marron profond, mais le contact avec l’Enderman leur avait donné une toute autre teinte.

- T’es spécial, hein ?

L’homme tendit alors lentement la main vers Kuroigetsu ; ce dernier la prit au bout de quelques secondes, convaincu qu’il n’avait pas d’autre choix.

- Bienvenue chez les Anges de la Mort.

Kuroigetsu s’en voulut longuement d’avoir encore cédé à ses émotions. Depuis qu’il avait rejoint les Hitogoroshi, il essayait d’ignorer son passé au maximum, cherchant à l’occulter et à avancer sans lui. Pourtant, il en suffisait de peu pour que les souvenirs refassent surface et viennent le hanter à nouveau. Ce qui le minait le plus était qu’il ne pouvait rien faire pour remédier à cela : le coupable de l’extermination de sa famille et de la destruction de sa vie était lié à lui jusqu’à la mort. Condamné à porter le poids de son passé sans pouvoir l’oublier, dévasté par une jeunesse désenchantée, corrompu par la lie de la société, Kuroigetsu s’était forgé une carapace d’apparences pour cacher ses blessures. Et en faisant cela, il s’était intériorisé au possible, ne faisant plus confiance à personne : il ne s’était plus attaché à des gens, ne cherchant plus à laisser une trace de lui dans l’Histoire ou dans le cœur d’éventuels proches. En un sens, il était le gagne-pain des Hitogoroshi : un de ces jeunes brisés par la Vie et dont la seule opportunité se trouve dans le vol ou dans l’assassinat. Ce n’est pas si grave après tout. J’aime tuer. Fin de l’histoire.
- Tssk, tssk. J’en connais un qui se ment à lui-même. Enfin… Ca fait déjà une bonne heure que tu « médites », il serait peut-être temps d’aller voir ce que l’vieux veut.
- Je sais très bien ce que je fais, merci.

Prenant soin de refermer ses quartiers derrière lui, l’Hitogoroshi se dirigea vers la chapelle, tout en se demandant pour la première fois ce que le Grand Maître Oshoku pouvait bien vouloir leur montrer. Il ne croisa que peu de ses Frères en chemin, la plupart étant soit en mission, soit déjà au lieu de rendez-vous. Ses pas étouffés par le tapis rouge qui occupait la majeure partie du sol en pierre décorée, il en profita pour écouter aux portes et s’informer sur les dernières tribulations des Hitogoroshi. Il apprit ainsi que la disparition de son Frère chargé de le superviser lors de son premier contrat n’avait pas laissé tout le monde de marbre, et que « le Novice payerait ». Je ne suis plus Novice depuis quelques mois…
Cependant, même s’il se sentait quelque peu insulté, il savait qu’il ne pouvait pas faire grand-chose d’autre que de surveiller ses arrières à l’avenir. C’est toujours bon de se savoir aimé. Et dire qu’on m’a toujours dit que je pouvais croire en mes Frères.
L’heure de la réunion approchait à grand pas cependant, obligeant Kuroigetsu à mettre fin à ses pratiques peu orthodoxes et à se diriger vers la chapelle. C’était là qu’il avait été « baptisé » en tant qu’Hitogoroshi, un an plus tôt. Il était monté en grade entre temps : de Novice, il était passé Assistant puis Combattant, avant d’accéder au rang de Tueur. Il fallait en général quelques années pour espérer être proclamé Tueur, mais le jeune homme avait rempli tant de contrats à la perfection en si peu de temps qu’il était parfois surnommé « le génie du crime ». Ce n’est pas pour rien que j’ai des ennemis, maintenant que j’y pense. Ah, la jalousie…
Après être devenu Tueur, un Hitogoroshi pouvait espérer atteindre un jour le rang de Maître, à ce jour seulement attribué à Hakai et Kyokkai, ainsi qu’au responsable de l’organisation : Oshoku en personne. Personne ne savait exactement ce qu’il fallait faire pour être considéré comme un Maître, mais personne ne cherchait vraiment à le savoir non plus ; un nouveau Maître signifiait forcément de devoir défier à un moment donné Hakai ou Kyokkai, et lorsqu’il s’agissait de s’en prendre à plus fort que soi, même l’Hitogoroshi le plus brave préférait passer son tour.
Les deux Maîtres étaient d’ailleurs présent dans la chapelle eux aussi, debout à côté de l’autel qui faisait office de pupitre à Oshoku. En face d’eux, la quasi-totalité des Hitogoroshi étaient assis sur des bancs en pierre lisse plutôt sobres. L’espace central, qui servait au rituel d’initiation, était ici seulement illuminé par la teinte écarlate des vitraux du bâtiment. Se faisant le plus discret possible pour ne pas attirer plus d’attention que nécessaire, Kuroigetsu s’assit sur l’extrémité d’un banc et patienta, tête baissée.

Au bout d’une demi-heure, le Grand Maître Oshoku se présenta enfin à l’autel. Le silence se répandit aussi instantanément que le redressement de toutes les colonnes vertébrales présentes dans la chapelle. Oshoku imposait le respect, du haut de ses quarante années et de son bon mètre quatre-vingt. Il était vêtu de ses robes les plus cérémoniales, consistant en une sorte de manteau descendant jusqu’aux genoux avec une coupe arrondie au niveau de ces derniers. Au niveau de la taille, le manteau se séparait en deux pour laisser le tissu flotter avec grâce. Le manteau en lui-même était d’un noir profond, avec des enluminures en or cousues à même le tissu. Il portait une lame secrète à chaque bras – un privilège auquel seuls les Maîtres ont accès –, dont les brassards étaient sertis de joyaux et de rainures en or. Le tableau était complété par la légendaire capuche des Hitogoroshi, elle aussi complètement noire, mais arborant elle-aussi des décorations en or.

- Je vous souhaite la bienvenue en ce lieu, mes Frères. Si nous sommes réunis ici à ma demande, ce n’est pas simplement pour une simple réunion… mais bel et bien pour écrire l’Histoire.

Kuroigetsu plissa les yeux. Il y a un truc pas net.
- Content de voir que je suis pas le seul à l’avoir remarqué.
- Y’a pas à dire, je suis vraiment ravi que je sois le seul à t’entendre.
- En effet, nous avons été contactés par l’Empire pour une série de meurtres visant à faire taire définitivement la Révolution qui gagne en puissance chaque jour. La Guerre Civile ne peut plus durer, et les Impériaux n’ont d’autre choix que de faire appel à nos services… Vous vous doutez bien de la somme d’argent qu’il y a à la clé. Après vérifications, il semblerait que la Révolution ne puisse nous offrir plus pour renverser les Impériaux, ce pourquoi j’ai donc accepté le contrat au nom des Hitogoroshi. A partir de ce jour, votre mission sera d’éliminer le maximum de personnes influentes au sein des Révolutionnaires pour causer la discorde et le chaos ; comme vous le savez, la majeure partie de ceux-ci sont de riches familles cherchant à se planter des couteaux dans le dos. Nous allons donc simplement accélérer le processus, tout en rétablissant la paix et la joie pour notre magnifique contrée. Ne trouvez-vous pas cela magnifique ?
- C’est de la folie !

Les centaines d’yeux qui se tournèrent vers Kuroigetsu lui firent presque regretter d’avoir perdu le contrôle.

- Ah… Notre Génie a quelque chose à redire.
- Je présente humblement mes excuses pour cette interruption, Grand Maître, mais malgré toute la noirceur de mon âme et de mes actes, je ne puis me résoudre à faire taire un mouvement révolutionnaire.
- Intriguant…
- Ces gens, aussi noirs puissent-ils être, cherchent à se débarrasser d’un gouvernement oppresseur et tyrannique ! Pourquoi devraient-ils être les cibles, alors que ce sont les Impériaux la cause du problème depuis le début ?

Les Hitogoroshi assis près de Kuroigetsu étaient visiblement mal à l’aise, partagés entre une volonté de faire taire le Frère dissident et de voir ce qui allait se passer quand on défiait Oshoku. Tous optèrent pour la deuxième option.

- Je ferais donc erreur ?
- Et je ne suis pas seul à penser que vous faites erreur, Grand Maître.

Utilisant un pouvoir de son Enderman, le jeune homme « ouvrit ses yeux » et utilisa ce don assez particulier pour distinguer les Frères qui étaient de son avis. Il faillit pousser un soupir de soulagement en voyant qu’ils étaient majoritaires, mais il se doutait bien que personne n’interviendrait en sa faveur pour autant.

- Je fais erreur… Mais dans quel domaine fais-je erreur, petit Génie ?
- Dans le domaine… humain. Merde. J'ai foiré ce coup là.
- Exactement. En t’engageant parmi les Hitogoroshi, je croyais pourtant que tu avais compris que l’être humain ne nous importait pas. Ce qui compte, c’est ce que l’on peut obtenir en l’éliminant.

Oshoku fit un signe de main à Kyokkai et à Hakai, qui dégainèrent leurs lames secrètes. Ils n’attendaient qu’un autre geste pour attaquer Kuroigetsu.

- Quel dommage, j’avais énormément de projets pour toi, Kuroigetsu Tokumei. Oui, Tokumei… l’Anonyme… ce nom te convient très bien à vrai dire. Même les Génies peuvent tomber… Et c’est ce qui vient de se passer, Anonyme. Tuez-le.

J'expérimente un nouveau format au passage.

Fail.

Je serais pas aussi catégorique, mais c'est clair que ça apporte pas grand chose. Par contre la fic est superbe. Très bien rédigé, même si j'ai trouvé le coup du vieux un poil cliché (mais juste un peu). Mais a part ça, le rythme est très bon, ça nous tient bien en haleine, y a rien a dire.

Du très bon travail !
J'ai réellement apprécié ta fic Kuroi', l'histoire est très bien faite et surtout bien narré.
Comme l'a dis Irax, le rythme est bon et nous tiens bien en haleine.
Affaire à suivre....

Content que ça vous plaise écoute ! J'ai démarré l'écriture du chapitre quatre, vous l'aurez dans le semaine je pense.

"silencieux comme un Creeper."
Huhuhu...
Cette fiction est vraiment magnifique, je n'ai pas fini le premier chapitre mais c'est déjà passionnant. Bravo à toi!

On veut la Suite On veut la Suite